Pour citer cet article : Renard karine, Les onze principes d’action du psychomotricien, article issu de thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, « Corps et principes d’action en thérapie psychomotrice », ressource électronique, site personnel de l’auteure : karine-renard.fr – Toute reproduction est autorisée à condition de citer son auteure …
Ces onze principes d’action sont l’aboutissement de ma thèse de doctorat en Sciences de l’Education : Corps et principes d’action en thérapie psychomotrice. Je vous en propose un résumé condensé pour en saisir la « substantifique moelle ». Si le cœur vous en dit d’approfondir, la lecture de la thèse fera le reste … !
Ces onze principes d’action ont répondu ma première hypothèse de recherche : j’interrogeai alors le fait de pouvoir extraire des principes d’action partageables par tous les psychomotriciens quels que soient leurs lieux d’exercice et les personnes
soignées, en interrogeant la nature concrète de cette intersubjectivité qui
sous-tend l’action relationnelle avec le partenaire. S’ensuit dans la thèse une
question sur le geste corporel professionnel en psychomotricité. La notion de geste professionnel va au-delà des compétences et des savoirs instrumentaux pour comprendre l’intention de l’action engagée vers la singularité de la personne
dans un contexte précis. Les postures et les ajustements minutieux sont scrutés
et insérés dans le geste adressé à l’autre, pour saisir la pleine ampleur de l’action sensible du psychomotricien quand il s’engage dans une thérapie avec un patient. Je voulais extraire des principes d’actions en thérapie psychomotrice animant sans les nier la technique, l’examen psychomoteur, la relation elle-même ; Des principes qui guident transversalement les actions en thérapie psychomotrice et permettent de dépasser des clivages théoriques mais également de donner un sens partageable à cette pratique spécifique dans sa dimension corporelle. Des principes qui sont présents dès la première rencontre avec le partenaire, dans l’engagement décliné corporellement du professionnel et son souci de l’autre, inscrits au cœur des vécus en séances. Nous faisons l’hypothèse qu’entre théorie et intuition, perception et sensibilité, action et activité, alliées à une considération de l’autre comme être capable et sachant, ces savoirs implicites qui guident son action constituent les principes d’action communs à tous les psychomotriciens. Ils s’appuient sur des transmissions insuffisamment exprimées qui peuvent être des constituants traditionnels du métier.
Notre choix méthodologique de recherche s’est porté sur les écrits et des entretiens avec des psychomotriciens certes, mais j’ai théoriquement pris appui sur la pensée de philosophes qui ont théorisé l’action comme fondatrice du sujet, à savoir Merleau-Ponty, Arendt, et Billeter. La considération phénoménologique de l’être humain m’a aidé à clarifier et à consolider mes savoirs de psychomotricienne, pour tendre vers une généralisation des résultats obtenus, pour le métier dans son ensemble. L’attention portée sur « ce qui est en train de se passer » dans l’ici et maintenant, « ce que ça fait, et ce que ça dit », sur l’apparaître
au sujet soigné et au psychomotricien est primordial pour penser le sujet psychomoteur, détenteur de son action et révélé par elle. Ce qui se montre dans son aspect le plus simple et le plus concret offre au psychomotricien le point
d’ancrage, d’entrée dans la relation de soin en thérapie.
Au terme de mon travail, j’ai repéré dans les pratiques des psychomotriciens onze gestes principes d’action sous-tendus par son engagement corporel majeur et sa technicité. Tous ont pour objet la transversalité de la pratique professionnelle, quel que soit les spécificités des personnes soignées, en lien avec l’action :
En lien avec l’action circulaire ( de l’extérieur de soi à soi) :
Le geste impressif : Il est particulièrement centré sur le mouvement d’enroulement et d’adduction corporel, sur les « ramenés à soi » physiques et psychiques. Le mouvement impressif permet au sujet de reprendre confiance et stabilité en ses vécus interactifs émotionnels et physiques. Il vise la stabilisation et la cohérence interne, proposant au sujet un chemin de structuration des perceptions, une intégration corporelle des structures fondamentales psychomotrices.
Le geste de répétition : répétition non pathologique, indispensable à l’apprentissage, à l’intégration du geste. A partir de la répétition, s’inscrit la sécurité dans l’appropriation des vécus. L’ essai-erreur permet d’ajuster et de tranquilliser les acquis, d’y revenir si le besoin s’en ressent.
Le geste de concordance est éminemment au cœur de la pratique professionnelle en psychomotricité. Situé au plus sensible de l’engagement corporel, le psychomotricien crée et recrée sans cesse la médiation ou la remédiation d’ajustements tonico-émotionnels, musculaires de l’échange princeps entre le sujet et le monde, afin que le monde devienne monde pour soi, monde pour le sujet soigné. Le geste de concordance revêt un costume de micro-ajustements, de distance calculée entre les corps, d’un « sentir » à un « ressentir » le corps de l’autre pour entrer en contact corporel, dans sa totalité physique et psychique. Là où l’accordage entre deux sujets peut trouver sa place et tendre son geste au plus juste.
En lien avec l’action évolutive :
Le geste de redressement corporel : l’attention est portée au mouvement dynamique du corps, au geste sur l’action dans ses caractères évolutifs et expressifs. Ce geste soutient et conforte le redressement du corps, à l’être debout. Cet investissement physique et psychique de l’espace vers le haut, vers un projeté de soi devenu possible. La marche et la préhension ouvrent aux découvertes et aux explorations multiples. Elles libérèrent le corps dans son ouverture au monde.
Le geste de soutien de la spontanéité : là où la nouveauté rejoint la surprise et l’étonnement du surgissement qui vient à soi. Ce sont autant de déstabilisations évolutives en commencements fertiles. Par l’action, le sujet crée en situation de soins, donc accompagné, des expériences structurantes, métabolisantes, qui sont autant d’ajouts et de potentiels évoluant de l’émergence vers la connaissance.
Le geste de soutien de la trace de soi : la trace, indice signifiant du sujet rend visible à soi, visible aux autres, visible au monde. Elle fait lien dans l’échange et montre ce qui de soi est sensible, corporel. Elle participe à l’éclosion du sujet et, par sa dimension réflexive importante ajoute à son être-au-monde. ( la trace est multiple : dessin, trace de corps dans le sable, la semoule, empreintes corporelles diverses)
S’ajoutent à ces gestes, liés aux deux dimensions de l’action, les gestes suivants, attachés à l’engagement corporel :
Le geste associé au « laisser le corps faire ! » : je suis convaincue que le sujet sait, consciemment ou non, ce qui est bon pour lui. Son corps le sait. Ce principe d’action nous ramène à l’expérience corporelle comme condition de développement psychomoteur et plus encore comme condition de subjectivation. Le psychomotricien, par sa posture et ses modalités d’entrée en soins pose les conditions de l’expérience corporelle et de son intégration.
Le geste de confiance : la confiance, en soi et en l’autre, en l’existence et en son environnement est transversale et fondamentale. Elle s’établit au fil de la vie dans le concret de l’intercorporéité sensible d’une part, par des actes marqués d’autre part. Non imposable, elle est le fruit d’une posture et d’une attitude, où l’engagement authentique du soignant situe le sujet d’égal à égal.
Le geste de voix et de silence : la voix entre et sort du corps, ponctuée éventuellement par des mots, des silences, des sons plus ou moins signifiants. La voix est impressive et expressive, fluctuant sur la respiration vitale. Elle pose et signifie ce qui de soi va à l’autre et en revient par son écoute. C’est une médiation
exceptionnelle pour le psychomotricien, là où l’appropriation du sujet peut aussi se révéler et prendre corps, de sa forme la plus simple (aux sons émis) à la plus précise symboliquement, aux phrases articulées et construites pour la transmission.
Le geste de situation corporelle : se vivre à sa place, en concordance avec les autres sans se sentir envahi, c’est accorder un espace à son corps, vis à vis d’autrui et de l’espace commun à tous. C’est se savoir différent. Sa coordination s’ajuste, le
sujet est calé en son corps. Le sujet placé est en ancrage dans son schéma corporel, dans ses sensations, dans sa sensation d’existence. Il est sujet dans son espace.
Le geste de plaisir : à la confluence de la physiologie et de la psychologie, le plaisir inonde le corps, c’est un moteur puissant d’intégration. Il est vecteur d’ouverture à l’autre, dans le moment du partage. Intrinsèquement relié à l’expérience, il se vit dans l’instant et prend valeur de transformateur des éléments concourant à la
psychomotricité du sujet en sens et en symbolisation.